vendredi 18 mars 2011

« Le songe d’une nuit de mai »

Par le Théâtre du bout du monde, mise en scène Miguel Borras
D’après « Le songe d’une nuit d’été » de W.Shakespeare, traduction Pascal Collin.
Auditorium Saint-Germain

Signalons d’emblée que cette pièce est une adaptation de la comédie de Shakespeare « Le songe d’une nuit d’été » et qu’il faut quelques clés pour comprendre la démarche tant sociale qu’artistique de la part du groupe « Le théâtre du bout du monde ». Etrange coïncidence car l’ouvrage de Marie Thérèse Jones-Davies,ed.Balland,1987 sur lequel nous revenons aujourd’hui pour appuyer notre réflexion s’intitule : Shakespeare, le théâtre du bout du monde.
Comme si le concept «… du bout du monde… » à la fois mythique et chimérique nous renvoyait, presque tous, en permanence, à cette quête inavouable et obstinée d’inventer, de nourrir et d’entretenir la part de rêve qui est en chacun de nous.
Ainsi, les créateurs et acteurs de ce groupe théâtral expérimental, fédérés autour de leurs chefs de troupe Miguel Borras et Philippe Guérin nous démontrent bien, qu’en matière artistique, au départ, un projet lancé sous une pulsion purement utopique peut après quelques mois ou des années de réflexions se retrouver sans le moindre étonnement à la veille de sa réalisation. Thomas de palier du citoyen Shakespeare disait, face à cette attitude utopique, qu’elle finissait par être forcément rentable et que de se mentir à soi-même était une nécessité pour réaliser .
Alors comment l’affaire se passe-t-elle dans la pratique ?

Le théâtre du bout du monde a été fondé en 1990 par Miguel Borras, Philippe Guérin et André Bonnet. Ils travaillent sur des différentes techniques, les lieux d’expression sont souvent la rue puisque la démarche sociale et théâtrale est d’aller toucher un public peu familiarisé à la douce chapelle du théâtre vénéré et sacralisé.
La compagnie « Théâtre du bout du monde » travaille sur le terrain, ce qu’elle aime c’est la friche et donner généreusement de la pioche pour y voir pousser de nouveaux esprits ouverts à la création quel qu’elle soit, bref chercher son épanouissement dans l’échange et l’enrichissement au contact de la culture de l’autre.
Afin de matérialiser sa démarche la troupe constitue son groupe et bâtit les fondations de son écriture dramatique en pratiquant divers ateliers d’expression artistiques qui les mettent en relations avec leurs futurs interprètes car il faut dire que ce théâtre à caractère didactique et voire même militant ne peut avoir sa vérité qu’en puisant ses propos et ses racines imaginaires dans le terrain même de la réalité de notre vie. C’est paradoxal, mais en matière d’image littéraire et théâtrale, au dire de Diderot « Le paradoxe ne tue pas, il meurt… »
Alors on rencontre, sur ce plateau de la vie, des gens en difficultés physiques ou morales qui viennent chercher dans l’alchimie théâtrale des réponses, voir des formules que la société actuelle, future et encore plus que future ne sera jamais à même de pouvoir comprendre et surtout incapable de pouvoir répondre à cet appel.
Aussi, il est évident, que tout cela transparait sur le plateau, et nous avons, face à nous, au-delà de cette fragilité apparente, la présence d’un potentiel assez troublant. Alors on ressent très bien qu’au bout du compte, la pièce est là, pour nous faire prendre conscience que le théâtre dans sa vocation de re-présentation, livre de manière codée, le combat intérieur livré entre le réel et l’irréel et que la pièce est là pour faire rayonner cet espoir dont on est probablement tous conscients.
Sur le plateau il y a donc deux histoires : celle de l’acteur, diffuse et totalement inscrite dans son corps et son conscient puis celle qui vient de notre arbre imaginaire, fruit de l’inconscient.
C’est donc ainsi que se découpe et s’organise la représentation du « Songe d’une nuit de Mai » : un plan distanciatoire et certes didactique qui livre la volonté d’un groupe à vouloir monter sur la scène la vraie pièce de Shakespeare « Le songe d’une nuit d’été » et pour faire valoir la dualité « réel/imaginaire » le groupe présente un prologue qui met à jour le mécanisme de la complexité d’une distribution dans un monde ouvrier qui veut, effectivement, monter sur les planches la véritable pièce du songe. Cette ambiance n’est pas sans nous rappeler les actions théâtrales engagées de J. Prévert avec son groupe Octobre et celles plus tragiques de Garcia Lorca avec le groupe Baraqua.
Le procédé est très fort puisqu’il permet de faire accepter sur la scène, au nom de la convention théâtrale les difficultés physiques, mentales ou morales de chacun. Dans cette expérience le théâtre devient alors un guide, un mentor, un prétexte à communiquer et surtout une raison d’exister à part entière, du moins le temps de la représentation…et…sans doute certainement plus encore…
Ce qui est remarquable au niveau du jeu de comédien c’est malgré les inégalités de toute part qui accidentent le plateau il y règne une force, un engagement dans le bonheur du jeu qui nivelle toute s les différences. Les comédiens professionnels s’y installent avec discrétion, distillant leurs talents d’une modestie feutrée pour cacher une maturité de jeux apte à soutenir avec rigueur l’ensemble de l’édifice.
Nous pensons au rôle de Puck qui fait le lien et ourdit le spectacle de sa malignité inattendue que Catherine Bloch sait nous faire entendre tout au long du spectacle.

Bref ce spectacle pourrait s’intituler « Rencontres improbables» image empruntée à son metteur en scène Miguel Borras.

Par Jacky Viallon
Contacts : 01 47 84 23 38. Demander les dates de tournée directement à la compagnie.

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